Le site, entièrement recouvert et donc invisible, se trouve au milieu des vignes, dans la basse vallée de la Peyne, […]
Le site, entièrement recouvert et donc invisible, se trouve au milieu des vignes, dans la basse vallée de la Peyne, à proximité du château de Roquelune, sur la commune de Pézenas. Il est dominé par l’oppidum protohistorique de Saint-Siméon (fin VIIe s.-mil. IVe s. av. J.-C.). L’établissement antique de l’Auribelle-Basse se caractérise par la présence de constructions allongées qui rassemblent sur 70 m de long et sur une trentaine de mètres de large, des thermes, des échoppes artisanales (travail de l’acier, de l’os, textile) et de service (auberge et débit de boisson) ainsi qu’un grand moulin hydraulique (farine) alimenté par un aqueduc, actifs pendant le Haut-Empire et la première moitié du IIIe s. Il est marqué par la modestie de ces installations (excepté le moulin) et par la richesse des rejets domestiques et artisanaux associés qui trahissent un mode de consommation urbain, riche et varié.
La fondation de ce complexe (Fig. 1 et 2) dont la fonction et la nature échappent encore en partie à l’analyse est marquée par la présence d’une inscription latine incomplète sur plaque de bronze (Fig. 3) qui fait état d’un accord probablement passé entre une collectivité probablement indigène et la puissance romaine, à l’époque augustéenne. Une liste de témoins, tous d’origine celtique qui se clôt par le terme Legatei — « les représentants (du pouvoir romain) » — marquant le statut officiel de cette inscription indique en effet que la fondation de l’Auribelle intervient dans un contexte marqué par l’intégration des communautés locales dans l’organisation du territoire, au tout début du Haut-Empire.
En 2015, la fouille d’un puits profond de plus de 20 m, situé au milieu des vestiges bâtis a permis de mettre au jour une succession de dépôts votifs et de niveaux de fonctionnement (Fig. 4 et 5) installés entre les milieux des IIe et IIIe s. qui pourraient indiquer que l’on se trouve en réalité en périphérie d’un sanctuaire. Dans cette perspective, l’Auribelle pourrait bien matérialiser les hospitalia de celui-ci, c’est-à-dire le lieu d’accueil des pèlerins ou personnages fréquentant le site.
Le mobilier issu du puits rassemble 500 vases et amphores dont 150 complets, 250 objets en bois qui constituent le plus gros corpus d’éléments de ce type connu dans le sud de la Gaule, trois situles en bronze, vingt de monnaies, une série d’objets en métal ou en os et une masse importante de restes d’animaux (Fig. 6, 7 et 8). Cinq tablettes de malédiction portant des inscriptions relatives à des pratiques magico-religieuses, 90 textes courts ou symboles incisés sur une partie des vases et cinq tablettes en bois appartenant à des codex illustrent l’usage et la pratique de l’écriture (Fig. 9 et 10). En cours d’étude, ils constituent un formidable réservoir d’études portant sur la paléographie et l’onomastique (étude des noms de personnes) et permettront peut-être de connaitre le nom du site/sanctuaire.
Stéphane Mauné, Directeur de Recherche au CNRS - UMR 5140 Archéologie des Sociétés Méditerranéenne/LabEx Archimede Montpellier.