×

La force de l’eau

Si l'eau est consommée par l'homme elle lui est aussi utile pour les ressources qu’elle induit. 

Si on a longtemps estimé que les étangs étaient des lieux évités à cause de l’insalubrité qu’ils pouvaient apporter, l’archéologie a mis en évidence un attrait indéniable des populations pour ces plans d’eau au travers notamment de l'étude de l'étang du Bagnas (Fig 1). 

Fig. 1 orthophotographie étang du Bagnas ©SIG CAHM

En effet, dès le Néolithique, des chemins aboutissaient à l’étang du Bagnas, sans doute exploité pour ses ressources :     

  • le sel, denrée indispensable à la conservation des aliments, la salaison, le bétail, la saumure, le garum, les soins et aussi le commerce très lucratif vers les régions qui n'en disposent pas ; 
  • les poissons ;
  • le gibier d’eau ;
  • les coquillages

L' eau impropre à la consommation est aussi tout naturellement utilisée pour les moulins, le drainage et l'arrosage des égouts. Il est utile de la capter soit dans les nappes, soit dans les sources et de l'acheminer vers l'endroit où il souhaite l'exploiter (une ville, une villa, un jardin, une parcelle agricole...). De nombreuses structures ont été créées pour cela : puits, noria, citernes, aqueduc, éléments d'adduction en plomb ou terre cuite. La plupart de ces structures étaient fermées pour empêcher l'évaporation de l'eau. 

Par exemple, les eaux de la source de la Mère des Fontaines sur la commune de Tourbes ont été captées et guidées par des galeries creusées à la sape pour alimenter les fontaines de Pézenas. Elles ont été construites en 1406 avec l'accord du roi Charles VI. Au XVIIIe siècle, un éffondrement de ces galeries va susciter leur réfection. Elles vont être maçonnées et voûtées (Source : Olivier Ginouvez Inrap)

Fig. 2 Salicorne

La fouille d’un atelier de potier du IIe siècle avant J.-C. en bordure de l'étang du Bagnas par Elian Gomez, nous renseigne sur l'importance de l'eau dans certaines activités artisanales (poterie, forge...). Le fleuve, les cours d'eau, les fossés... sont autant de points d'eau utiles à ces activités. De plus, ils fournissent des végétaux nécessaires à la consommation, la construction ou à la confection de supports. En effet, la salicorne (Fig. 2), plante d'eau et de sel ; les roseaux ; l'osier ; les joncs sont autant de plantes qui se développent dans les zones humides et qui sont utilisées par l'homme. Les toits de chaume sont confectionnés à l'aide de roseaux par exemple. 

L'eau comme force motrice : 

L'énergie hydraulique est la première énergie d'origine non biologique que les hommes ont utilisé pour mettre en mouvement des machines. Dès l'antiquité l'homme utilise l'eau pour actionner des moulins. Ces découvertes de moulins antiques sont de plus en plus fréquentes sur le territoire national. Notre territoire en possède un, celui de l'Auribelle Basse mis au jour par Stéphane Mauné. Ce moulin daté du IIe siècle après J.-C. se compose de plusieurs parties un aqueduc, le moulin lui-même, un puits d'engrenage, un système d’évacuation (Fig 3 et Fig 4).

L'aqueduc est une structure maçonnée,dont le captage pourrait se trouver au lieu dit Montredon ce qui permettrait d'avancer qu'il mesurerait 1800m de long, que sa pente avoisinerait 5,3 mm/m, et que son débit serait de 0,0672m3/s. Cet aqueduc alimenterait un moulin hydraulique servant à moudre les céréales pour obtenir de la farine. Il est composé d'un coursier qui d'un côté accueillait les eaux de l'aqueduc et de l'autre évacuait l'eau. Une roue en bois de 3,20m de diamètre, permettait d'actionner des engrenages (rouet et lanterne) situés dans le puits d'engrenage jouxtant le coursier.  Ce dispositif devait actionner des meules permettant de moudre le grain. La salle de mouture, située au-dessus de la machinerie, fait défaut. Le rendement de ce moulin est estimé à 15 à 20 kg de farine/heure. 

Au Moyen Âge, c'est l'eau du fleuve Hérault qui est utilisée comme énergie hydraulique. Les moulins, sont développés de manière intensive aux XIe/XIIe siècles. Ce développement correspond à une mise en valeur de nouvelles terres céréalières. Sur l'Hérault, les moulins de Saint-Thibéry (Fig 5) sont les plus anciens. Il sont connus dès la fin du Xe siècle, puis au XIe et XIIe siècles.Trois sites de moulins en bordure de l'Hérault ont été repérés sur cette commune. Mais c'est au XIIIe siècle que vont se développer l'essentiel des meuneries Roquemengarde, Moulin des Prés à Pézenas, Moulin de Castelnau de Guers Saint-Martin de Murles, le moulin Bladier de Bessan, le moulin d'Agde. Postérieur au XIIIe siècle Moulin de Conas à Pézenas, le moulin du Duc d'Uzès à Florensac daté plutôt du XVIe siècle. 

Fig. 5 Moulin Bladier de Saint-Thibéry ©C. Gomez-Pardies

D'une manière générale, ils sont installés perpendiculairement à la rive. Ces moulins sont pour la majorité à roue verticale plus performante, elle permet de démultiplier la puissance motrice des engrenages à lanterne, ainsi 4 à 6 jeux de meules peuvent être actionnés, gage d'une production céréalière et donc de farine importante.

Céline Gomez-Pardies, archéologue CAHM

En savoir plus :

  • Reconstitution 3D du moulin de Bessan

Bibliographie :

  • Olivier Ginouvez : Rapport final d'opération Quartier Saint Chrsitol à Pézenas, Languedoc Roussillon, Inrap Méditerranée, janvier 2016
  • Céline Gomez Pardies, Jean-Paul Cros : Rapport final d'opération Notre Dame du Grau d'Agde, CAHM, juin 2014
  • Denis Nepipvoda : Un jardin révélé par les sources : le jardin des év^ques à Agde, 
  • Denis Nepipvoda, « Un jardin révélé par les sources : le Jardin des évêques à Agde », Patrimoines du Sud [En ligne], 8 | 2018, mis en ligne le 01 septembre 2018, consulté le 17 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/pds/341 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pds.341
  • Phalip Bruno. Le moulin à eau médiéval. Problème et apport de la documentation languedocienne. [Bassins de l'Hérault, Orb
  • et Vidourle]. In: Archéologie du Midi médiéval. Tome 10, 1992. pp. 63-96.
  • http://www.persee.fr/doc/amime_0758-7708_1992_num_10_1_1224
  • Stéphane Mauné, un moulin hydraulique du IIe siècle après J.-C. dans l'établissement de l'Auribelle Basse (Pézeans, Hérault), in Energie hydraulique et lachines élévatrices dans l'antiquité, Centre Jean Bérard
  • Buruiana, T. (2018). Connaître, conduire et consommer les eaux douces d’après les auteurs de la Rome antique du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C. Cahiers d'histoire, 36 (1), 21–42. https://doi.org/10.7202/1054178ar
  • Haurillon Roland, Bruxelles Laurent, Court-Picon Mona, Figueiral Isabelle, Forest Vianney, Ginouvez Olivier, Pallier Céline, Pons-Branchu Edwige, Rascalou Pierre, Tardy Christophe. Les ouvrages hydrauliques souterrains de « Mazeran » et du « Garissou » (Béziers, 34) : des qanàts romains en Gaule Narbonnaise. In: Revue archéologique de Narbonnaise, tome 48, 2015. pp. 135-163;
  • doi : https://doi.org/10.3406/ran.2015.1912
  • https://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_2015_num_48_1_1912

Partager sur